Consommation d’alcool : où en sommes-nous ?
La France est l’un des pays les plus consommateurs d’alcool parmi les pays d’Europe occidentale. D’après Santé Publique France, les Français consomment 11,7 litres par an et par personne de 15 ans et plus et 10% des 18-75 ans consomment à eux seuls 58% de l’alcool consommé. En effet, l’alcool est très souvent synonyme de plaisir, convivialité et festivité. Pourtant, derrière cette image, se cache une autre réalité. Chaque année 41 000 décès sont attribuables à l’alcool.
Selon une étude publiée en janvier 2023 par le Bulletin épidémiologique, la consommation d’alcool tend à diminuer en France. “Entre 2020 et 2021, en France métropolitaine, la proportion d’adultes déclarant une consommation d’alcool se situant au-dessus des repères de consommation à moindre risque a significativement diminué passant de 23,7% à 22,0%”. Cette baisse s’observe principalement parmi les hommes, les personnes plus jeunes mais aussi plus âgées et celles aux revenus élevés. Cette tendance est très certainement liée aux confinements et à la fermeture des lieux festifs, il faudra attendre de prochaines études pour savoir si elle se confirme dans la durée.
Pour rappel, une consommation d’alcool à moindre risque a été définie par la Mildeca, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, de la manière suivante :
- Maximum 10 verres par semaine ;
- Maximum 2 verres par jour ;
- Des jours dans la semaine sans consommation.
Addictions sur le lieu de travail : une réalité à prendre en compte
L’alcool compte parmi les substances psychoactives les plus consommées sur le lieu de travail selon l’INRS. L’alcoolisme concerne tous les secteurs d’activités et toutes les catégories socio-professionnelles. Il est par ailleurs souvent tabou au travail. Pourtant la consommation d’alcool, même à faible dose, comporte des risques pour la santé et la sécurité des salariés, selon l’INRS :
- Le risque d’accident du travail est multiplié par 2 chez les hommes consommant au moins 4 verres d’alcool par jour, et chez les femmes consommant au moins 2 verres par jour ;
- Conduire sous l’emprise de l’alcool multiplie par 17,8 le risque d’être responsable d’un accident routier mortel.
Quand le travail favorise la consommation d’alcool
Parfois, certaines situations liées à la vie de l’entreprise peuvent entraîner une consommation d’alcool. Il s’agit la plupart du temps de célébrations occasionnelles comme les pots de départ, de fin d’année, d’anniversaires mais aussi les after works et autres moments de convivialité.
D’autres situations peuvent encourager une consommation plus régulière. Certains salariés sont amenés à avoir très fréquemment des dîners et des voyages d’affaires dans le cadre de leurs fonctions. Ce sont en général des situations propices à la consommation d’alcool. Et ce n’est pas toujours simple de restreindre sa consommation à ce moment-là. Refuser un verre à l’occasion de certains événements professionnels peut être mal vu. L’alcool est souvent synonyme de communion et de partage et, selon la culture des pays, pour les salariés évoluant à l’international, l’alcool peut être un élément important dans la relation avec les clients.
Enfin, le stress causé par des objectifs trop difficiles à atteindre, des situations de tensions ou de violence dans l’entreprise peuvent entraîner une consommation d’alcool importante et conduire à une dépendance chez certains salariés. En effet, l’alcool a des effets psychoactifs immédiats qui sont désinhibants et provoquent une sensation de détente et de bien-être face au stress.
Des répercussions sur la santé des salariés
Des effets à court terme
Au quotidien, la consommation d’alcool peut également altérer la qualité de vie et perturber le comportement des salariés. Elle peut en effet entraîner une baisse de la vigilance et de l’attention, et augmenter ainsi les risques d’accident. Selon l’Inserm, le taux d’alcool ingéré a des conséquences sur le comportement :
- Avec un taux inférieur ou égal à 0,50 g/l, l’éthanol a un effet stimulant et désinhibant : les tâches sont exécutées plus rapidement et avec une sensation de facilité, mais un taux d’erreurs accru.
- Au-delà de 0,50 g/l, l’éthanol a un effet sédatif et perturbe les fonctions motrices (perte d’équilibre et de coordination des mouvements).
Selon l’INRS, le risque d’accidents du travail est multiplié par 2 dès lors qu’il existe une consommation chronique hebdomadaire excessive d’alcool. Le risque d’accidents du travail graves est augmenté de 50% pour ceux qui ont une consommation ponctuelle importante au moins une fois par semaine.
Des effets à moyen et long terme
D’après l’Inserm, la consommation d’alcool est responsable de plus de 200 maladies et atteintes diverses. La consommation d’alcool, même à faible dose, augmente les risques de cancers, d’accidents vasculaires cérébraux hémorragiques (AVC) et de troubles du rythme cardiaque. Certaines maladies sont même exclusivement imputables à l’alcool. C’est le cas notamment pour la cirrhose alcoolique ou certaines affections neurologiques. Pour d’autres pathologies, l’alcool constitue un facteur de risque important comme les cancers (bouche, pharynx, larynx, œsophage, foie, sein, colorectal) et des maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, cardiopathie ischémique). Des troubles cognitifs peuvent également survenir chez la plupart des personnes dépendantes à l’alcool. L’alcool est ainsi la deuxième cause de mortalité prématurée en France, et une des premières causes d’hospitalisation.
Comment les entreprises peuvent-elles agir ?
Consommation d’alcool sur le lieu de travail : des règles à respecter
Les entreprises peuvent organiser des moments festifs à l’intérieur et à l’extérieur de leurs locaux. Des règles concernant le type d’alcool autorisé sont en vigueur. Cependant, les règles ne sont pas les mêmes selon les endroits. En effet, les employeurs ne peuvent pas proposer de spiritueux à l’intérieur de leurs locaux. Seule la consommation de vin, bière, cidre et poiré sur le lieu de travail est autorisée par le droit du travail. La consommation de toute autre boisson alcoolisée est interdite (article R.4228-20 du code du travail). L’entreprise peut également prendre des mesures pour interdire toute consommation d’alcool dans ses locaux si elle estime que celui-ci peut porter atteinte à la santé et à la sécurité des collaborateurs (risque d’accidents…). L’entreprise doit impérativement retirer un salarié alcoolisé de son poste de travail afin d’éviter tout risque d’accident.
Concernant les moments de convivialité organisés en dehors du lieu de travail, le règlement intérieur de l’entreprise ne s’applique pas mais en cas d’accident sur le poste de travail ou sur la route, la responsabilité de l’employeur pourrait être engagée. Il est donc recommandé de limiter la quantité de boissons alcoolisées, même en extérieur, et éventuellement, d’appliquer les mêmes règles qu’à l’intérieur de l’entreprise.
Comment limiter et prévenir les risques lors des fêtes ou pots en entreprise ?
Quelques règles de bonne conduite peuvent être appliquées comme :
- Mettre des limites en rappelant les alcools autorisés et interdits ;
- Rappeler les risques liés à la consommation d’alcool ;
- Offrir des boissons non alcoolisées ;
- Limiter les quantités de boissons alcoolisées ;
- Proposer aux salariés de se restaurer afin de limiter le pic d’alcoolémie ;
- Mettre des éthylotests à disposition ;
- Mettre en place une procédure si un salarié est dans l’incapacité de reprendre son travail et/ou de conduire un véhicule sous l’emprise de l’alcool (comme par exemple, raccompagner les salariés en taxi)
Faire évoluer les mentalités
La perception de l’alcool mérite d’être repensée et les mentalités doivent évoluer à ce sujet notamment pour :
Briser les tabous. La consommation excessive d’alcool et ses conséquences restent taboues en entreprise. Afin d’agir efficacement, il est important de lever le tabou sur cette addiction. Il s’agit d’un pré-requis indispensable pour faire travailler l’ensemble des parties prenantes de la prévention santé en entreprise sur ce sujet et identifier les salariés/métiers/situations à risque. L’addiction à l’alcool peut résulter de causes personnelles ou professionnelles. Celles-ci ont dans tous les cas des répercussions sur le lieu de travail.
Sensibiliser les salariés qui sont souvent sollicités avec des boissons alcoolisées dans le cadre de leurs fonctions. Cette consommation régulière peut entraîner une perte de la vigilance et de la réflexion mais aussi une addiction au fil du temps. Pourtant, les dîners d’affaires restent des moments importants qui requièrent de l’attention et de la sagacité d’esprit de la part des collaborateurs. Rester sobre ou consommer de l’alcool avec parcimonie est indispensable au titre de la santé mais aussi pour préserver son professionnalisme.
Ne pas stigmatiser ceux qui ne veulent pas boire d’alcool. L’alcool est encore largement associé au plaisir, à la convivialité et à la fête. Cependant, tous les salariés ne partagent pas ce point de vue pour des raisons diverses (santé, religion…). Ces personnes peuvent craindre d’être stigmatisés par leurs collègues s’ils n’en boivent pas, que ce soit de manière pérenne ou occasionnelle. Les entreprises peuvent faire évoluer les mentalités afin que chacun se sente à l’aise de ne pas consommer d’alcool sans se sentir jugé.
Réduire les situations à risque
Les managers de proximité ont un rôle à jouer dans la détection des conduites addictives mais aussi pour éviter d’en être responsables. C’est pour cette raison que la sensibilisation et la formation des managers, mais aussi de l’ensemble des collaborateurs, sur les conduites à risque est indispensable. Il convient également de les informer sur les processus d’alerte à activer en cas d’identification de situation à risque.
Les organisations peuvent également revoir leurs pratiques managériales pour éviter que celles-ci ne deviennent toxiques pour les collaborateurs. Un management basé sur l’écoute, l’empathie et le feedback peut aider à éviter les situations à risque. Le respect du droit à la déconnexion est également fondamental pour aider les équipes à décrocher et à trouver un sas de décompression.
Les entreprises ne doivent plus masquer le problème des addictions comme l’alcoolisme en en faisant une affaire purement privée. Quelles que soient les causes, l’alcoolisme d’un salarié aura des répercussions sur son travail. Face à la montée des addictions, il est temps que les entreprises agissent et fassent de ce sujet une priorité. Des actions récurrentes auprès des collaborateurs sont nécessaires pour faire la pédagogie sur l’alcool et ses risques car il s’agit d’un sujet de longue haleine.
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