Carrière, travail : la réalité vécue par les salariés de plus de 50 ans et leurs attentes
De nombreux clichés entourent les plus de 50 ans
De nombreux clichés entourent le travail des salariés de plus de 50 ans. Parmi ceux qui sont les plus répandus, nous pouvons lister les suivants : les seniors sont plus réticents aux changements et ne savent pas s’adapter aux nouvelles technologies, ils sont plus facilement désabusés par leur travail, ils sont moins motivés dans leur mission au quotidien, ils sont trop chers… Mais qu’en est-il réellement ? Est-ce que la grille de lecture générationnelle est toujours pertinente pour cerner les attentes des salariés ?
Un sentiment de discrimination répandu chez les salariés de plus de 50 ans
Un sentiment perçu dès le recrutement
Face à leurs difficultés de recrutement, les entreprises doivent élargir leur vivier de candidats traditionnel. Le recrutement des plus de 50 ans fait partie des solutions intéressantes pour les entreprises. Certaines d’entre elles l’ont déjà compris et font appel à ces profils de candidats pour combler les besoins. Pourtant, une étude réalisée en 2022 par Michael Page sur le lien intergénérationnel montre le sentiment de discrimination dont les candidats de plus de 50 ans se sentent victimes notamment au cours des processus de recrutement :
- 50% des personnes de plus de 50 ans ont déjà eu la sensation d’avoir été discriminées du fait de leur âge ;
- 63% des recruteurs pensent qu’il existe des freins à la présentation de candidats seniors aux décisionnaires du recrutement.
Des salariés plus stigmatisés dans l’entreprise
Au sein des entreprises, les salariés de plus de 50 ans se sentent également discriminés du fait de leur âge. Une étude du Club Landoy sur la situation des 50 ans et plus en entreprise publiée en 2022 fait également le constat de la discrimination dont ces salariés font l’objet. En effet, 63% des personnes interrogées sont d’accord avec le fait que les seniors sont davantage confrontés à des attitudes ou des décisions discriminantes du fait de leur âge, comparés aux plus jeunes. Ce sentiment de discrimination se traduit particulièrement par l’absence d’augmentation (47%) et de promotion (41%).
Des relations intergénérationnelles parfois compliquées
L’étude du Club Landoy montre également que les relations entre les générations ne sont pas toujours faciles en entreprise. 61% des personnes interrogées rapportent qu’il y aurait de plus en plus de clivages générationnels entre les salariés sur le lieu de travail. Si le lien entre les générations est un enjeu pour 6 entreprises sur 10, seules 1 tiers des entreprises interrogées ont mis en place des actions pour faciliter le lien intergénérationnel. Ces entreprises mettent en général les actions suivantes en place : tutorat et transmission de compétences (67%), programmes de mentorat (47%) et mécénat de compétences (14%).
Les plus de 50 ans : une génération au carrefour des autres
Ces relations intergénérationnelles souvent difficiles en entreprise sont assez paradoxales car les plus de 50 ans font la plupart du temps office de passerelles entre les générations dans la vie quotidienne. Rebaptisée “génération sandwich”, ils cumulent souvent le rôle de parents, de grands-parents et d’aidants familiaux. Ils sont de fait fortement engagés auprès de plusieurs générations dont ils sont le soutien principal. Ils ont à ce titre une charge mentale importante qui peut avoir un impact sur leur santé.
Par ailleurs, ils ont également un rôle économique majeur. Bénéficiant la plupart du temps de meilleurs revenus et d’un pouvoir d’achat plus conséquent, ils soutiennent financièrement leurs enfants et participent à la croissance économique de certains secteurs d’activité. Les plus de 50 ans ont ainsi un rôle clé dans la société et une utilité sociale forte.
Des salariés qui se sentent utiles en entreprise
Une étude de l’IFOP réalisée en partenariat avec Frelances.com sur le rapport des salariés seniors au travail vient bousculer les clichés et nous éclairer sur leurs attentes. Selon les résultats de cette étude, 86% d’entre eux ont le sentiment d’effectuer un travail utile et se sentent bien intégrés dans leur entreprise. Une étude d’A compétences égales montre que les candidats seniors savent faire preuve de flexibilité. Pour obtenir un poste, ils seraient prêts à changer de fonction à 76% et à revoir leur rémunération à la baisse à 24%. Selon une étude réalisée par l’IFOP avec le Club Landoy sur la situation professionnelle et les attentes des actifs de 50 ans et plus : 88% des personnes interrogées pensent que leur expérience et leurs compétences sont des atouts pour les entreprises. Enfin, pour envisager leur fin de carrière, la prudence est souvent de mise. 85% d’entre eux envisagent de rester dans leur entreprise pour terminer leur carrière.
Des frustrations qui pénalisent leur carrière
Selon une étude réalisée par l’IFOP avec le Club Landoy sur la situation professionnelle et les attentes des actifs de 50 ans et plus, moins d’1 senior sur 2 déclare que leur entreprise leur donne les moyens de réfléchir à leur évolution. Le manque de reconnaissance au travail est un sentiment récurrent au sein de cette population. En effet, seulement 46% d’entre eux considèrent ainsi que leur travail est reconnu à sa juste valeur, contre 52% de l’ensemble des salariés en France selon l’étude de l’IFOP et du site Freelances.com.
Une retraite active sous certaines conditions
Concernant la retraite, selon l’enquête de l’IFOP, 58% d’entre eux souhaitent rester actifs professionnellement pendant cette périodesous certaines conditions. Cette activité viendrait tout d’abord compléter les revenus de leur retraite. Elle pourrait s’exercer idéalement dans un cadre plus souple avec des horaires aménagés ou à temps partiel par exemple. L’étude montre que 37% des seniors seraient séduits par le statut de freelance.
Quelles solutions mettre en place pour maintenir l’emploi des seniors et changer le regard sur eux ?
La catégorie “senior” a-t-elle vraiment un sens ?
Nous avons tendance à appréhender les personnes sous le prisme de leur génération et à leur appliquer toutes les généralités liées à celle-ci. Cependant, si la période d’entrée sur le marché du travail peut façonner son approche de celui-ci, cela ne veut pas dire que toutes les personnes appartenant à la même génération ont les mêmes envies. La grille de lecture générationnelle peut être trompeuse. Les salariés de plus de 50 ans peuvent avoir des aspirations très différentes : ceux qui souhaitent poursuivre leur carrière le plus longtemps possible, ceux qui envisagent de faire une pause, ceux qui souhaitent se reconvertir… Nous attribuons souvent aux générations Y et Z le besoin de rechercher plus de sens au travail et d’être en accord avec les valeurs de l’entreprise. Cependant, le phénomène de grande démission observé aux Etats-Unis a touché toutes les tranches d’âge. La société bouge ! Les idées et les comportements circulent d’une génération à une autre.
Chez les plus de 50 ans, une nouvelle tendance voit le jour, celle des “Never Old” ou “Nold”. Ils ont entre 45 et 65 ans et ne se reconnaissent pas dans les standards générationnels généralement admis, selon un sondage Toluna Harris Interactive réalisé en mai 2023. Pour eux, l’âge ne veut rien dire, c’est l’état d’esprit qui compte.
Par ailleurs, le concept de senior est assez subjectif et mérite d’être challengé. Ne sommes-nous pas tous le “senior” de quelqu’un d’autre dès lors que nous appartenons à une génération plus âgée que la personne que nous avons en face de nous ?
Des actions pour changer la perception des salariés de plus de 50 ans
Valoriser l’expérience
Exit l’appellation “senior”, des entreprises préfèrent valoriser l’expérience de leurs salariés et parlent plutôt de salariés expérimentés. C’est beaucoup plus valorisant et également reconnaissant vis-à-vis de leur expertise accumulée tout au long de leur carrière. Cette expérience peut également être mise en valeur en mettant en place une offre de mentorat des plus jeunes. Ainsi, les salariés expérimentés peuvent partager leur expérience et faire bénéficier les autres collaborateurs de leur maturité. C’est un rôle très valorisant dans l’entreprise. Mais cela marche dans l’autre sens aussi car les plus jeunes peuvent avoir des compétences précieuses à transmettre aux plus âgés. Afin de mieux brasser les générations et de lever les clichés que les uns ont vis-à-vis des autres, le rôle de mentor peut être attribué à une personne plus jeune vers une personne plus âgée. BNP Paribas l’a mis en place à travers son programme de mentoring intergénérationnel intitulé “WeGenerations” pour faciliter les échanges entre les jeunes et les seniors avec des initiatives de partage des connaissances, conférences, mentoring et reverse mentoring pour montrer toute la richesse d’apprendre d’une génération différente de la sienne.
Lutter contre les stéréotypes et les discriminations
Afin de changer le regard sur les salariés de plus de 50 ans en entreprise, les entreprises peuvent mener tout d’abord des enquêtes internes pour comprendre la manière dont ces salariés sont perçus par les autres et leur ressenti au quotidien. En vous basant sur ces résultats, et pour faire évoluer les mentalités, vous pouvez mettre en place une campagne pour sensibiliser les équipes sur ce sujet. Cela peut être l’occasion de déminer les idées reçues et/ou de rappeler les principes d’un comportement plus inclusif. AXA a pris les devants avec son programme : “L’audace n’a pas d’âge !”. Près de 40% des collaborateurs de l’entreprise sont âgés de 50 ans et plus. Ce programme a pour objectif de les accompagner pour développer leur employabilité et casser les clichés sur l’âge à travers une campagne de communication interne et des podcasts qui donnent la parole à des personnalités qui osent se réinventer autour de la cinquantaine.
Des dispositifs de maintien dans l’emploi
Aménager le temps de travail
Afin de donner plus de souplesse à ces salariés, la mise en place d’un temps partiel peut être envisagé. Certaines entreprises ont sauté le pas et proposent à leurs salariés de plus de 50 ans des aménagements spécifiques notamment autour des horaires de travail. D’autres entreprises mettent en place des comptes épargne temps afin de diminuer le temps de travail tout en maintenant le même niveau de salaire et les cotisations sociales à taux plein.
Proposer une reconversion professionnelle
Pour les salariés qui sont exposés à des métiers pénibles ou comportant des risques conséquents, une reconversion professionnelle peut également être proposée aux salariés de plus de 50 ans qui en font la demande. Ce dispositif accompagne les salariés sur plusieurs années pour mettre en place un nouveau projet professionnel qui leur correspond mieux.
Formation continue pour éviter l’obsolescence des compétences
Les transformations technologiques et numériques sont telles que les compétences deviennent rapidement obsolètes. Les collaborateurs doivent faire preuve de plus en plus d’adaptabilité dans un monde en forte mutation. Les salariés plus âgés peuvent ressentir cette obsolescence encore plus fortement que les autres et se sentir également plus vulnérables pour y faire face. Se former à tout âge devient une nécessité absolue. Afin de leur permettre d’adapter leurs compétences aux besoins du marché, les entreprises peuvent leur permettre d’avoir accès à des formations spécifiques pour développer des compétences dont ils ont besoin. Les entreprises ont tout à gagner à former les personnes de plus de 50 ans. Si les plus jeunes collaborateurs envisagent moins de faire carrière toute leur vie dans la même entreprise, les plus de 50 ans peuvent avoir envie de continuer à progresser et prennent souvent moins le risque de partir !
Des dispositifs de santé
Comme nous l’avons vu précédemment, les salariés de plus de 50 ans sont souvent très sollicités en dehors de leur travail en soutenant leurs proches, que ce soit leurs enfants, leurs parents ou leurs petits-enfants. Ce rôle en plus de leur travail peut avoir un impact significatif sur leur santé. Par ailleurs, à partir de 50 ans, les hommes et les femmes sont confrontés à une augmentation des risques de santé et à des périodes de transition hormonale (cancers, maladies cardio-vasculaires ménopause…). Un programme de santé adapté peut les aider à faire le point sur leur état et à anticiper les risques. En plus des visites de santé obligatoires, les bilans de santé plus réguliers offrent un moyen concret de faire de la prévention et d’inciter, entre autres, à des dépistages.
Soutenir l’emploi des seniors est une nécessité pour les entreprises. Elles peuvent ainsi capitaliser sur leur expérience et faire face à la pénurie de talents soit en les recrutant soit en faisant évoluer leurs compétences en interne. Il est temps de faire travailler ces différentes générations ensemble et de montrer toute la richesse de leur diversité. Afin de mieux inclure ces salariés, les entreprises doivent faire tomber les clichés qui les entourent, faciliter les relations intergénérationnelles et mettre en place des dispositifs qui leur permettent d’accompagner leur carrière dans les meilleures conditions possibles jusqu’à l’âge de la retraite.