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Salariés hyperconnectés, la déconnexion impossible ?

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5 min - 09/09/2025

Les écrans sont devenus des compagnons du quotidien. S’ils facilitent le travail de nombreux salariés, ils peuvent également être responsables d’effets délétères sur la santé mentale et physique lorsque leur usage n’est pas maîtrisé. C’est dans ce contexte que VerbaTeam, spécialiste de la prévention santé en milieu professionnel, a mené une étude dédiée à l’hyperconnexion des salariés, en partenariat avec l’institut Viavoice. L’hyperconnexion crée une pression constante qui perturbe leur santé, leur équilibre, leur bien-être et leurs relations sociales. Les entreprises ont un rôle essentiel à jouer pour les aider à retrouver un meilleur usage. Flore Serré, Directrice Générale de VerbaTeam revient dans cette interview sur les résultats de cette étude, les réflexions qu’ils soulèvent et les solutions pour mieux encadrer l'utilisation des outils numériques.

Pourquoi VerbaTeam a choisi de prendre la parole sur l’hyperconnexion ?

Flore Serré : Chez VerbaTeam, nous avons développé une grande expertise sur la santé mentale. À ce titre, nous nous intéressons aux accélérateurs ou facteurs aggravants de la santé mentale et l’hyperconnexion en fait partie. En effet, nous avons constaté que l’hybridation des modes de travail, et notamment le télétravail, avaient des impacts négatifs sur la santé mentale. Avec cette étude, nous sommes venus éclairer davantage les impacts de l’hyperconnexion sur la santé physique et mentale. Les résultats sont assez éloquents sur le sujet. Les salariés interrogés évoquent la fatigue oculaire (84%) mais aussi des troubles du sommeil (76%) et de la concentration (77%). Ces indicateurs sont importants pour nos clients car ce sont des facteurs d’accidents de travail. À travers cette étude, nous nous intéressons aussi au phénomène de l’addiction aux écrans. Il existe par ailleurs beaucoup d’amalgames entre hyperconnexion et dépendance aux écrans. Notre volonté est de mieux les expliquer.

Quels sont les résultats qui vous ont surpris ?

F.S. : Trois résultats ont particulièrement retenu mon attention. Tout d’abord, le nombre de répondants qui se déclarent dépendants aux écrans m’a interpellée car il est très élevé (65%). Même si être hyperconnecté ne signifie pas être dépendant aux écrans, il faut sans doute voir dans ce chiffre une véritable prise de conscience des salariés sur le sujet.

Ensuite, nous aurions pu nous attendre à une distinction assez nette entre les générations, avec des jeunes salariés beaucoup plus impactés que leurs aînés par l’hyperconnexion. La réalité est beaucoup plus contrastée. Une des classes d’âge les plus impactées est celle des 35-45 ans avec le pourcentage le plus élevé de répondants se déclarant dépendants (68%). Contrairement à ce que nous pourrions croire, l’hyperconnexion n’est pas une problématique qui ne concernerait que les jeunes générations. En fait, les parents qui essaient de donner de bons réflexes à leurs enfants sont probablement les premiers concernés par le sujet.

Enfin, le dernier enseignement qui nous a marqués est l’impact de l’hyperconnexion sur la santé physique et mentale. Les salariés ont pleinement conscience des conséquences de l’hyperconnexion sur ces deux aspects et ce point nous semble important d’être souligné.

L’impact sur leur santé mentale arrive même en tête des motifs qui les inciteraient à changer de comportement. Cela montre que la santé mentale prend de l’importance et qu’elle compte autant que la santé physique.

Cette étude brise donc le cliché des jeunes collaborateurs beaucoup plus connectés que leurs aînés ?

F.S. : Absolument. Il faut rappeler que les salariés à partir de 40 ans appartiennent à ce que nous appelons la “génération sandwich”. Il s’agit d’une tranche d’âge où les salariés occupent souvent des postes à responsabilité. Ils doivent en parallèle gérer des enfants, des parents vieillissants mais aussi de nombreux sujets en dehors du travail. Et comme la quasi-totalité des démarches et des services sont aujourd’hui disponibles en ligne, cette génération est particulièrement connectée.

Quelles sont les conséquences les plus préoccupantes de cette surexposition numérique selon vous ?

F.S. : Non seulement la surexposition numérique vient perturber notre rythme circadienl’impact de la lumière bleue de nos écrans sur notre sommeil est désormais bien connu – mais celle-ci augmente considérablement le risque de développer des dégradations de la vue. On estime que cela favoriserait l’arrivée précoce de la presbytie et une évolution plus rapide de la myopie notamment chez les plus jeunes salariés. D’ailleurs d’ici 2050, 50% de la population mondiale sera myope d’après les dernières estimations. C’est une menace grandissante sur la santé visuelle qui est peu connue du grand public et des employeurs. L’employeur, qui joue déjà un rôle important via les couvertures santé complémentaires, verra son rôle s’étendre de plus en plus. Il deviendra indispensable pour eux de réfléchir à la manière de renforcer leurs dispositifs de prévention sur ce sujet en particulier.

Qu’en est-il de la santé psychologique des salariés ?

F.S. : Il y a deux aspects que je trouve particulièrement marquants. Le premier est le sentiment de pression constante dont font part les salariés. Tous les outils connectés amènent beaucoup de fluidité et d’efficacité. Cependant, ils ont aussi pour conséquence un phénomène de brouillage entre la vie professionnelle et la vie personnelle car tout est accessible en permanence. Rien ne nous permet réellement de nous déconnecter. Nous devons agir sur ce sentiment de pression constante, car il s’agit d’un véritable aggravateur de troubles de santé mentale.

Le deuxième aspect est la dégradation de la concentration due aux écrans et ceci pour deux raisons. La première est que les écrans nuisent à la qualité du sommeil. Nous savons par ailleurs que les Français ont une dette de sommeil qui est aujourd’hui de plus en plus importante. Cette dette a un impact direct sur la concentration au travail. La deuxième est que l’omniprésence des écrans nous amène à effectuer plusieurs tâches en même temps entre l’ordinateur, le smartphone, les tablettes, etc. Le “multitasking” épuise également notre capacité de concentration. En faisant cela, nous surchargeons nos capacités d’attention. Un des enjeux aujourd’hui est de proposer des solutions concrètes pour remuscler nos capacités d’attention.

Comment interprétez-vous l'écart entre cette forte perception de dépendance numérique de la part des salariés, leur ressenti sur leur santé physique et mentale et la faible intervention des entreprises ?

F.S. : Je pense que cet écart est révélateur de la banalisation de l’hyperconnexion au sein des entreprises voire de sa valorisation. L’hyperconnexion est trop souvent synonyme de performance des salariés. Les dirigeants n’arrivent peut-être pas à prendre pleinement conscience de leur propre dépendance et ne perçoivent pas suffisamment les effets délétères de cette hyperconnexion sur la santé mentale et physique. Il est indispensable d’aider les dirigeants à prendre conscience de ce phénomène car l’étude montre qu’il existe une forte attente de la part des salariés. Ils souhaitent un encadrement des sollicitations numériques et la mise en place réelle du droit à la déconnexion au niveau du management. Les salariés leur demandent clairement d’agir. Et s’ils ne le font pas, ils finiront par interpeller directement les employeurs sur le sujet ou mettre leurs propres règles en place avec le risque pour les employeurs de perdre le contrôle. L’absence d’actions des entreprises peut aussi avoir pour conséquence un désengagement des salariés.

Comment lutter concrètement contre l’hyperconnexion ?

F.S. : Tout d’abord, il est capital que les dirigeants et les managers soient convaincus des bienfaits d’une connexion mieux encadrée pour leurs équipes, l’entreprise mais aussi pour eux-mêmes. Ils sont en effet concernés à double titre : parce qu’ils sont eux-mêmes hyperconnectés mais aussi parce qu’ils doivent réguler le temps de connexion des salariés dans l’entreprise. Il est donc important de les sensibiliser sur les répercussions de l’hyperconnexion sur la santé physique et mentale. Ils seront alors plus à même de mener ces politiques et de porter ces ambitions.

Ensuite, il faut aider les entreprises à évaluer le sujet. Les dirigeants ne connaissent ni leur temps d’écran ni celui de leurs salariés. Cette étape est un prérequis indispensable avant de mener des actions concrètes.

Un autre prérequis est de sensibiliser l’ensemble des collaborateurs afin de partager les mêmes repères sur l’hyperconnexion dans l’organisation : à quel moment devient-on dépendant et surtout que peut-on faire très concrètement pour éviter de l’être ?

Enfin, il est important d’aider les personnes qui ont basculé dans l’addiction aux écrans car elles auront du mal à s’en sortir par elles-mêmes. Le dispositif de soutien peut prendre plusieurs formes. Nous travaillons avec des addictologues qui peuvent intervenir sous la forme de conférences ou en accompagnement. Les entreprises peuvent également s’appuyer sur des dispositifs déjà existants comme le soutien psychologique. Il s’agit d’une bonne première solution pour soutenir des personnes qui ont ce type de problématique.

En tant qu’expert de la prévention santé physique et mentale, notre ambition est de continuer à adapter nos offres pour aider les entreprises à répondre à ce nouveau défi qui s’inscrit dans le long terme.

Pour découvrir les résultats complets de l’étude, les avis d’experts et les pistes de solutions pour mieux encadrer le temps de connexion des salariés, téléchargez dès à présent notre décryptage !

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