
Nina Bataille est coach professionnelle certifiée et spécialisée en neurosciences, auteur et conférencière. Elle intervient auprès des entreprises notamment sur les sujets de la parentalité. Elle revient dans cette interview sur la façon dont cette thématique a évolué ces dernières années, les attentes des salariés et la manière de les accompagner.
Comment la prise en compte de la parentalité a-t-elle évolué en entreprise ces dernières années ?
Les entreprises se sont tout d’abord emparées du sujet de la petite enfance et, à travers lui, du mode de garde. C’est ainsi que sont nées, il y a 20 ans, les premières structures de crèches en entreprise. Lorsque la génération X est devenue en âge d’être parent, cette génération s’est retrouvée prise en sandwich entre ce que leurs parents leur avaient inculqué et les désillusions du monde du travail marquées par un fort taux de chômage. Dans ce contexte, les personnes issues de cette génération ont eu envie de donner une éducation différente de celle qu’elles avaient reçue. Elles se sont ouvertes à des courants de pensée issus du monde anglo-saxon prônant des méthodes nouvelles d’éducation. À partir de ce moment-là, la réponse des entreprises ne pouvait plus être uniquement financière mais devait aussi tenir compte de la parentalité dans sa globalité. Cette tendance s’est accélérée depuis la crise sanitaire avec une attente encore plus forte chez les salariés de trouver un meilleur équilibre de vie.
À quels problèmes les parents sont-ils confrontés aujourd’hui ?
Actuellement, les parents sont confrontés à plusieurs problématiques. Il y a tout d’abord celle concernant l’autorité parentale avec un équilibre à trouver entre le bon niveau d’écoute à accorder aux enfants, les aider à prendre confiance en eux et le respect des règles. Un autre enjeu est celui du rapport aux écrans de leurs enfants. Les parents sont un peu plus aguerris qu’il y a 10 ans sur ce sujet avec l’utilisation du contrôle parental et une tendance à ne pas donner de téléphone portable trop tôt, mais la vigilance reste de mise. La réussite scolaire est également un enjeu de taille. Les parents ont peur que leurs enfants ne fassent pas les bonnes études. Ils mettent ainsi beaucoup de pression pour que ces derniers réussissent. Un dernier enjeu est celui des questions identitaires avec une société qui se cristallise autour de sujets comme le racisme ou le harcèlement.
Comment ces problématiques impactent-elles le travail des salariés et la vie des entreprises ?
La charge mentale des parents salariés est de plus en plus lourde entre leurs obligations familiales et professionnelles. Les parents veulent réussir sur tous les pans de leur vie, professionnelle et personnelle. Mais cette injonction à une vie épanouie dans tous les domaines peut avoir des conséquences néfastes sur la santé psychique des salariés. L’épuisement parental peut être un premier pas vers le burn-out. Les parents se sentent épuisés et vidés. Des troubles émotionnels (être à bout), cognitifs (ne plus réfléchir correctement) et physiques (fatigue intense) peuvent apparaître. Pour éviter d’en arriver à ce stade, il est important que les salariés définissent leurs objectifs et apprennent à doser leur investissement entre la sphère personnelle et professionnelle. Il est possible de tout choisir mais pas en même temps. Il est également important de savoir demander de l’aide, montrer ses émotions et accepter d’être entouré. Pour y arriver, les salariés doivent souvent combattre des croyances ancrées depuis l’enfance qui nous font croire que nous pouvons être toujours forts et invulnérables.
Est-ce qu’il existe des inégalités entre les femmes et les hommes à concilier parentalité et carrière ?
Les inégalités sont toujours présentes entre les femmes et les hommes, que ce soit d’un point de vue de la carrière comme de la parentalité. Selon l’INSEE, même à temps de travail identique, le salaire moyen des femmes est inférieur à celui des hommes de 14,2 %. L’INSEE indique également que les écarts de revenu salarial entre femmes et hommes sont encore plus accentués entre les parents : les mères ont des temps de travail mais aussi des salaires bien inférieurs à ceux des pères, et les écarts s’accentuent en fonction du nombre d’enfants. La répartition des tâches est toujours déséquilibrée en défaveur des femmes. Selon l’Observatoire des inégalités, 68 % des femmes font la cuisine ou le ménage chaque jour, contre 43 % des hommes. Par ailleurs, ce sont en très grande majorité des femmes qui assistent à des conférences sur la parentalité et qui achètent des ouvrages sur ce sujet. Ceci démontre bien que les femmes investissent encore beaucoup le champ de la parentalité. Cependant, je constate que dans les entreprises qui emploient beaucoup de salariés issus des jeunes générations, de plus en plus d’hommes participent aux conférences ou ateliers sur la parentalité et ces derniers semblent plus investis dans les tâches domestiques.
Qu’en est-il des familles mono-parentales ? Quels sont leurs besoins ?
En 2023, 3 enfants sur 10 vivent avec un seul de leurs parents selon l’INSEE et dans plus de 4 cas sur 5, les femmes sont à la tête des familles monoparentales. Éduquer des enfants au sein de familles monoparentales est bien plus difficile que dans une famille “traditionnelle”. Les parents à la tête de familles mono-parentales sont encore plus sujets à l’épuisement que les autres et peuvent cumuler en plus des difficultés financières qui peuvent renforcer leur épuisement. Il faut un village pour éduquer un enfant, que celui-ci grandisse dans une famille monoparentale ou traditionnelle. Les parents ont besoin de s’appuyer sur un écosystème, d’avoir des relais familiaux, amicaux mais aussi d’autres adultes issus de la sphère éducative et associative pour aider leurs enfants à bien grandir. Un parent ne peut pas être “tout” pour un enfant.
Quelles sont les solutions mises en œuvre par les entreprises pour aider les parents ?
Il existe plusieurs niveaux d’aides à la parentalité qui peuvent être financières, organisationnelles ou visant à améliorer les compétences parentales. Au niveau financier, les chèques cadeaux au moment de Noël existent depuis longtemps tout comme l’aide à la garde d’enfants. Aujourd’hui, cette aide peut également se matérialiser par le financement de cours particuliers ou d’aide aux devoirs ou encore un accompagnement pour les guider au sein de Parcours Sup. Au niveau de l’organisation de travail, le télétravail est un avantage pour les parents, tout comme les jours de congés supplémentaires pour garder un enfant malade. La solidarité peut aussi être encouragée en faisant don d’un jour de congé entre collègues pour aider un parent dans le besoin. Enfin, les entreprises peuvent aider les parents à améliorer leurs compétences en faisant intervenir des experts sur des thématiques répondant à leurs besoins à travers des conférences et des ateliers. Des coachs peuvent également intervenir pour un accompagnement individuel.
Quels sont les avantages pour une entreprise de mettre en place une politique de parentalité ?
Un salarié qui se sent bien dans son rôle de parent aura de meilleurs résultats professionnels. À l’heure où l’absentéisme est à un niveau très élevé, aider les salariés parents peut être un levier de lutte contre l’absentéisme. Enfin, une entreprise qui a développé un programme de parentalité bien adapté aux besoins des salariés bénéficiera d’une meilleure image employeur. Elle aura plus de facilités à attirer des candidats de la génération Y qui est très attentive à la question de l’équilibre de vie. Les salariés issus de cette génération n’hésitent pas à quitter une entreprise si elle ne propose pas de solutions satisfaisantes dans le domaine de la parentalité.
Comment peut-on évaluer l’efficacité des actions proposées aux parents ?
Les entreprises peuvent distribuer des enquêtes de satisfaction après une conférence ou un atelier sur la parentalité pour recueillir leurs impressions à chaud. Les grandes enquêtes annuelles sur les risques psychosociaux sont également un moment propice pour poser des questions sur les actions mises en place et si elles contribuent à améliorer le bien-être des salariés.
Quels conseils donneriez-vous à une entreprise qui souhaite initier une politique parentale ?
Les entreprises doivent tout d’abord interroger leurs salariés sur leurs besoins avec des questions bien ciblées. Ce qui peut convenir à une entreprise peut ne pas convenir à une autre, tout dépend des attentes des salariés. Ensuite, sur cette base, elles peuvent interroger quelques prestataires sur les actions possibles à mettre en place répondant à la fois aux besoins des salariés mais aussi en fonction de leur budget. Enfin, elles peuvent trouver au sein de l’entreprise des relais pour faire vivre cette politique de parentalité notamment en s’appuyant sur des associations de parents en interne ou des référents parentalité.
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