Les enjeux de la santé au féminin : ce qui se joue
La précarité : un frein à la santé des femmes
Si les femmes peuvent théoriquement bénéficier d’un suivi médical plus régulier notamment lors des grossesses ou des contrôles gynécologiques annuels, cette réalité doit être contrastée. En effet, selon une étude réalisée par AXA Prévention sur la santé des femmes, 53% des femmes CSP- déclarent faire un suivi gynécologique régulier contre 67% des femmes CSP+. La précarité représente un réel frein à la prévention santé dans l’accès aux soins et la prise en charge médicale. Selon le Ministère Chargé de l’égalité entre les Femmes et les Hommes, de la Diversité et de l’égalité des chances, les femmes constituent 70 % des travailleurs pauvres, occupent 82 % des emplois à temps partiel et représentent 85 % des familles monoparentales dont une sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Le manque de ressources entrave l’accès aux soins et entraîne une dégradation de l’hygiène de vie : logements dégradés, mauvaise alimentation, consommation d’alcool, sédentarité, etc. Elles sont également plus exposées aux violences conjugales. Les femmes représentent 64% des personnes qui reportent des soins ou y renoncent, soit près de 9,5 millions de femmes chaque année.
La santé des autres d’abord
Les femmes ont tendance à s’occuper de la santé des autres et à négliger la leur. Toujours selon la même étude d’Axa Prévention sur la santé des femmes, 81% des femmes font passer la santé de leurs proches avant la leur et repoussent le moment de consulter. Ce constat est d’autant plus vrai lorsque le niveau de vie des femmes est modeste. Les femmes se retrouvent également fréquemment au cœur des solidarités familiales. Elles endossent très souvent le rôle d’aidante auprès de leurs proches et ceci au détriment de leur propre santé. Un communiqué d’Axa Prévention sur les aidants indique que plusieurs baromètres évoquent le chiffre de 57 % de femmes assurant la fonction d’aidante. Ce chiffre déjà élevé semble pourtant assez loin de la réalité. Encore dans la vie active pour la plupart, elles sont nombreuses à concilier travail, soutien aux enfants et fonction d’aidante auprès de leurs parents âgés. Elles sont donc plus sujettes aux risques dont l’épuisement, le burn out, l’isolement, etc.
Santé au travail : les femmes sont-elles plus à risque ?
Dans son rapport publié en 2020, intitulé : ”Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique”, le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes montre que les facteurs de risques et de pénibilité au travail sont sous-estimés chez les femmes. Par exemple, les troubles musculo-squelettiques (TMS), qui représentent la première maladie professionnelle, sont sous-déclarés, particulièrement chez les femmes. Selon ce rapport, les femmes sont plus sujettes aux TMS (54 %) que les hommes (46 %). Les femmes sont également plus concernées par les risques psychosociaux qui sont plus fréquents dans les métiers majoritairement féminins.
Les clichés ont la vie dure
Focus sur les maladies cardio-vasculaires
La santé des femmes est victime de stéréotypes et les maladies cardio-vasculaires en sont un bon exemple. Longtemps considérées comme une maladie masculine, les maladies cardio-vasculaires touchent aujourd’hui de plus en plus de femmes. Or dans l’imaginaire collectif, l’infarctus reste une maladie d’homme en surpoids, fumeur et stressé. Pourtant, en France, 200 femmes meurent chaque jour de maladies cardio-vasculaires.
Les maladies cardio-vasculaires sont même aujourd’hui la première cause de mortalité chez la femme dans le monde et les accidents vasculaires cérébraux sont la deuxième cause de mortalité chez la femme en France après l’infarctus de myocarde. Malgré ces chiffres alarmants, les clichés restent tenaces, selon la Fédération Française de Cardiologie :
- 74% des femmes n’identifient pas les maladies cardio-vasculaires comme étant la première cause de mortalité féminine, le cancer étant placé en premier par 63% d’entre elles ;
- 55% des femmes pensent que les maladies cardiovasculaires touchent essentiellement les plus de 50 ans – alors qu’il y a un risque croissant chez les moins de 50 ans.
Confrontées à des douleurs thoraciques, les femmes appellent les secours en moyenne 15 minutes plus tard que les hommes alors que chaque minute compte. Ce retard explique que même si les femmes sont moins nombreuses que les hommes à être victimes d’accident cardiaque, elles sont plus nombreuses à en mourir. Par ailleurs, toujours selon le rapport du HCE : “pour des symptômes identiques de troubles cardiaques, ceux des femmes ont trois fois plus de chance d’être attribués à des raisons émotionnelles qu’à des causes biologiques (Klinge 2010).”
Quelles sont les pistes pour agir en entreprise ?
Évaluer les risques professionnels en fonction du sexe
Évaluer les risques professionnels uniquement sous l’angle de l’activité ne suffit pas. La prise en compte du sexe des salariés permet de mettre en place une politique de prévention plus complète et éviter ainsi de laisser des zones d’ombre. La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes rend obligatoire d’intégrer « l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe » dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). Dans une déclaration en septembre 2020, le Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) constate que son application en entreprise reste marginale et rencontre des difficultés. En effet, le COCT, dans sa déclaration, recense les principales craintes des employeurs comme le risque d’accroître les discriminations et de s’immiscer dans la vie privée des salariés. Les difficultés à évaluer les risques professionnels selon le sexe et l’absence de solutions adéquates sont également mentionnées. Pourtant, il y a urgence à agir. En effet, le COCT fait état d’une augmentation des accidents du travail chez les femmes. Si les femmes restent deux fois moins victimes d’accidents du travail que les hommes, le nombre d’ accidents du travail chez les femmes a augmenté de 30%, entre 2002 et 2015, alors qu’il a baissé de 17 % chez les hommes.
Il est donc prioritaire d’envisager l’évaluation des risques professionnels en intégrant l’impact du sexe.
Adapter les campagnes de prévention santé aux femmes
Comme nous l’avons vu plus haut, la perception des maladies en fonction des sexes, les idées reçues sur la santé des femmes, leur place dans la société, leurs spécificités biologiques ont un impact significatif sur leur santé. Afin que les messages soient pertinents et entraînent un changement de comportement voire de mentalité, les campagnes peuvent être adaptées en prenant en compte les spécificités homme /femme.
Pour mobiliser les collaboratrices sur une thématique santé, les messages doivent leur parler, faire référence à leur quotidien et à leur réalité. Elles pourront ainsi s’identifier et réagir. Pour y arriver, les entreprises peuvent s’appuyer sur des groupes de collaboratrices auprès desquelles elles peuvent formuler des messages et les tester. Ensuite, les entreprises doivent apporter des solutions concrètes. Prenons le cas des maladies cardio-vasculaires, dont le risque est souvent sous-estimé chez les femmes comme nous l’avons vu plus haut. Les organisations peuvent alerter les femmes sur les risques qu’elles encourent et proposer dans ce cadre une campagne de prévention sur-mesure pour lutter contre le tabagisme par exemple. En effet, selon Santé publique France, le tabagisme quotidien a augmenté entre 2019 et 2021, passant de 20,7% à 23,0% chez les femmes de 18-75 ans. Une campagne d’information spécifique peut les alerter sur les conséquences du tabagisme chez les femmes : la baisse de la fécondité, l’impact sur les cycles menstruels, le risque accru de développer une maladie cardio-vasculaire du fait de la prise d’une contraception en parallèle, l’augmentation de la probabilité de développer un cancer du sein et enfin les risques du tabac sur le fœtus. Des solutions pour arrêter de fumer peuvent être proposées.
D’autres thématiques touchant particulièrement les femmes salariées et qui peuvent avoir un impact sur leur santé peuvent être explorées comme :
- Les aidantes familiales en les informant sur ce statut, en organisant leur temps de travail et en apportant un soutien psychologique ;
- Le soutien aux familles monoparentales ou aux parents isolés avec un accompagnement spécifique avec un service d’assistants sociaux.