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Perte de concentration au travail : un phénomène en hausse !

5 min - 11/07/2024

L’utilisation massive des technologies numériques au travail entraîne une perte de concentration inquiétante pour les entreprises comme pour les salariés. Le multitasking ou encore l’hyperconnexion, qui en sont les conséquences, seraient responsables d’un affaiblissement de notre capacité d’attention qui serait passée de 12 à 8 secondes en l’espace de 15 ans selon une étude Microsoft, ce qui nous situe en dessous de celle d’un poisson rouge ! L’attention est une fonction cognitive essentielle dans notre vie professionnelle et personnelle. Ce déficit d’attention désorganise le travail des collaborateurs avec des répercussions sur leur bien-être psychologique et la vie économique de l’entreprise. Cependant, nos ressources attentionnelles ont des capacités limitées qui sont endommagées par l'utilisation des outils numériques. Dans cet article, nous revenons sur ce phénomène d’ampleur avec des solutions pour y remédier.

Perte de concentration : comment les nouvelles méthodes de travail perturbent notre cerveau ?

L’utilisation de plus en plus importante des outils numériques dans le travail entraîne un déficit de concentration croissant auprès des salariés ne souffrant d’aucun problème cognitif. Les managers semblent être la population la plus concernée par ce phénomène. De quelle façon la digitalisation du travail génère-t-elle une perte de concentration ?

La digitalisation et le multitasking

La digitalisation des outils a fait entrer le travail dans l’ère du multitasking !  Les journées de travail sont ainsi perturbées par le besoin de consulter en permanence les messageries instantanées ou les e-mails, la sonnerie des notifications, les réunions en ligne qui s’enchaînent… En effet, si les outils digitaux ont entraîné une véritable révolution dans notre manière de travailler cela ne va pas sans effets négatifs. L’un d’entre eux est de provoquer de nombreuses interruptions forcées dans les journées de travail et de gérer de multiples tâches en parallèle. Des chercheurs de l’université McGill à Montréal ont démontré que ces interruptions s’élevaient à plus de sept fois par heure en moyenne, soit une cinquantaine de fois par jour environ. Ces interruptions affectent considérablement le temps de travail. En effet, être interrompu par un e-mail ou une notification entraîne une réponse immédiate de la part du collaborateur qui mettra du temps avant de revenir à la tâche initiale. Il faut compter au moins une minute pour se remettre sur la tâche qui a été abandonnée. Ces interruptions entraînent une hausse des erreurs dans les missions effectuées au quotidien.

Les cadres managers de la génération X, âgés de plus de 40 ans, semblent être particulièrement concernés par ce phénomène. Leur capacité de concentration est particulièrement affaiblie. Selon une étude réalisée par CogX et le spécialiste de la data Lecko, 50% d’entre eux sont hyperconnectés. C’est le double des cadres de la génération Y.

Par ailleurs, l’utilisation des téléphones portables entraîne des nouveaux réflexes. Les collaborateurs peuvent les consulter à tout moment de manière presque compulsive sur des temps courts tout au long de la journée pour vérifier s’ils ont reçu un message par exemple sans pour autant recevoir de notifications.

En privilégiant les open space qui peuvent être bruyants, en multipliant les canaux de communication au sein des équipes projet dont les messageries instantanées, ou en développant le travail hybride, les entreprises ne créent pas les conditions favorables à la concentration.

Par exemple, selon une étude réalisée par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), pour 25% des salariés travaillant en open space, le bruit arrive en tête des nuisances répertoriées. Les conversations entre collègues, les appels téléphoniques, les sonneries des téléphones ou des notifications sont autant de nuisances qui ne permettent pas de rester concentré. En effet, le bruit capte notre attention et entraîne un changement d’activités en permanence.

Quelles en sont les conséquences sur les entreprises et les salariés ?

Une perte d’efficacité et de performance pour les entreprises

Plus de temps perdu et improductif

Une étude réalisée par Economist impact et Dropbox en 2023 nous permet de mesurer les conséquences d’un tel usage des méthodes digitales sur la capacité de concentration des salariés. Cette étude internationale montre en effet que 42% des travailleurs admettent ne pas réussir à se concentrer plus d’une heure sans interruption. Ce chiffre atteint 30% en France. Les capacités de concentration ne sont pas les seules conséquences de la digitalisation du travail. Elles entraînent également une perte d’efficacité. Les employés perdent environ 157 heures par an en raison des perturbations liées à la numérisation des échanges. Les managers sont particulièrement concernés. Ils perdraient jusqu’à 683 heures de travail chaque année pour les mêmes raisons.

Un impact sur la santé physique et mentale des collaborateurs

Un risque d’addiction aux écrans avec des effets négatifs sur la santé

La digitalisation des outils de travail et l’accélération des rythmes de travail qu’elle suscite, entraînent une connexion permanente chez certains collaborateurs.  Une étude publiée en 2023 par l’agence de conseils CogX et Lecko montre que 10% des salariés sont « hyperconnectés ». Ces derniers sont ainsi exposés à une charge mentale plus importante et à un risque accru de fatigue. Cette hyperconnexion se caractérise par une quantité abusive d’e-mails et de réunions en ligne, traités la plupart du temps en dehors des horaires habituels de travail, ayant pour conséquence une utilisation excessive des outils de communication comme les téléphones portables.

Selon une étude réalisée par la MILDECA, 78% des cadres consultent leurs communications professionnelles pendant les vacances et les week-ends. 8 Français sur 10 sont conscients de ne pas maîtriser leurs usages d’écrans sans pour autant être en mesure de les changer (Baromètre Harris Interactive, MILDECA 2021).

Rappelons que l’hyperconnexion représente un risque avéré sur la santé physique et mentale des collaborateurs. Par exemple, la consommation abusive des écrans a un impact significatif sur le sommeil. La lumière bleue émise par les écrans empêche la production de mélatonine, l’hormone qui sert à réguler le sommeil. La surcharge d’informations empêche la relaxation nécessaire pour s’endormir. L’insomnie fait entrer les collaborateurs dans un cercle vicieux où se mêlent fatigue, stress et anxiété.

Une pression et un stress accrus pour les salariés

Les outils digitaux font gagner du temps mais imposent une disponibilité immédiate aux utilisateurs. Ils ont ainsi modifié le rapport au temps et au travail. Ils imposent un nouveau rythme de travail basé sur des réponses immédiates aux messages. Se sentant obligés de répondre à n’importe quelle heure, les salariés peuvent se sentir constamment sous pression.

Ces sollicitations permanentes représentent une source de stress accrue pour les salariés. Par ailleurs, les collaborateurs qui sont régulièrement interrompus dans leur travail ressentent plus d’anxiété que les autres. Le fait de ne pas être pleinement concentré sur une tâche est une source de mal-être. Ce stress ressenti quotidiennement en raison de ce mode de travail est un risque pour la santé physique et mentale. Cette accumulation de stress et d’anxiété sont des facteurs de risque qui peuvent mener à un burn-out. Mais ce n’est pas tout. Pratiquer le multi-tasking est également un facteur de démotivation et de perte d’engagement, deux risques qui, s’ils perdurent, peuvent entraîner des démissions ou un brown-out, caractérisé par une perte d’énergie et de sens au travail.

Un facteur de risque d’accident

La perte de la concentration due à l’utilisation massive des outils numériques peut être une source d’accidents du travail. Consulter son smartphone pour des raisons professionnelles en marchant ou en conduisant entraîne une baisse de la vigilance et représente donc un danger avec potentiellement des conséquences graves : accidents de la route, chutes…

Comment favoriser la concentration chez les salariés ?

Quelles sont les bonnes pratiques pour retrouver une attention satisfaisante permettant à la fois aux entreprises de renouer avec l’efficacité au travail et aux collaborateurs de préserver leur santé mentale et physique ? Le cerveau peut réapprendre à se concentrer mais il a besoin de ne plus être sollicité de la même manière.

Sensibiliser les collaborateurs sur le fonctionnement de la concentration

Avant de mettre en place des actions favorisant la concentration, il est essentiel que toutes les personnes dans l’entreprise comprennent la manière dont la concentration fonctionne dans le cerveau et prennent ainsi conscience de sa fragilité. Certaines professions qui requièrent un haut niveau de concentration sont particulièrement sensibilisées sur les mécanismes de la concentration et la manière de la préserver. C’est le cas notamment des chirurgiens, des pilotes de ligne ou encore des pompiers. Cette sensibilisation peut se faire sous différentes formes que ce soit des ateliers ou des formations en partenariat avec des experts en neuroscience.

Favoriser la concentration au travail

De manière collective

L’entreprise peut créer un environnement de travail qui préserve l’attention en introduisant une culture de travail qui évite le multi-tâche et les sollicitations permanentes. Pour réussir, cette manière de travailler doit être partagée par tous et la direction comme les managers doivent montrer l’exemple. Voici quelques pistes d’actions à mettre en place pour initier cette culture de travail :

  • Veiller à ce que la charge de travail des équipes reste équilibrée
  • Éviter le bruit dans les open spaces
  • Permettre aux collaborateurs de pouvoir disposer d’une pièce fermée pour s’isoler du bruit lorsqu’ils ont besoin de travailler sur une tâche qui requiert une plus forte attention
  • Respecter les moments d’indisponibilité de chacun
  • Avant d’interrompre une personne, se demander si la demande est urgente ou non
  • Définir des règles d’usage des réseaux sociaux, des notifications et des messageries instantanées
  • Mettre des outils à disposition des salariés pour bloquer certains sites, réseaux ou notifications pendant des périodes de travail

De façon individuelle

Des méthodes de travail pour favoriser l’attention peuvent être mises en place facilement par les salariés. C’est le cas notamment de la méthode Pomodoro qui consiste à se concentrer par tranches de 20 / 25 minutes entrecoupées de pauses régulières de 5 minutes.

Les entreprises peuvent également rappeler les bases d’un travail efficace qui permet de mobiliser un bon niveau d’attention :

  • Éviter de consulter son smartphone au saut du lit
  • Définir sa journée de travail autour d’un objectif clair et réaliste afin de donner une orientation précise à son cerveau
  • Découper l’objectif de la journée en sous-objectifs afin de planifier au mieux la charge de travail
  • Si possible, ne pas démarrer sa journée de travail en regardant ses e-mails ou ses messages mais leur consacrer un temps dédié un peu plus tard dans la matinée
  • Faire une seule tâche à la fois pour éviter le multi-tasking
  • S’isoler du bruit pour faciliter la concentration
  • À la fin de la journée de travail, lister les éléments que vous traiterez le lendemain toujours de manière claire et réaliste

Le cerveau des êtres humains est conçu pour réfléchir. La concentration peut se rééduquer à condition de mettre en place une culture du travail qui permette de développer pleinement son potentiel. Les entreprises peuvent agir en mettant en place des règles de travail et un environnement favorisant la concentration. Maintenir un bon niveau d’attention participe au bien-être et à la santé mentale des collaborateurs.

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