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Addiction : un nouvel enjeu de santé publique et pour les entreprises

5 min - 16/03/2023

Si les conduites addictives ne sont pas nouvelles pour les entreprises, ce risque s’est accéléré notamment à l’occasion de la crise sanitaire. Par ailleurs, aux situations d’addiction traditionnelles s’ajoutent de nouvelles formes notamment liées à des comportements comme la surconsommation numérique. Longtemps tabou dans les entreprises, le sujet émerge de plus en plus à travers une mobilisation des acteurs de la prévention santé et la nécessité de mettre en place des actions de sensibilisation.

Qu’est-ce que l’addiction ?

Selon le site Ameli.fr : “une addiction est une dépendance à une substance psychoactive ou à un comportement, avec des conséquences néfastes sur la santé.” La dépendance se traduit par un désir compulsif de consommer une substance ou de pratiquer une activité. Elle se caractérise également par un désinvestissement des individus pour les autres activités de la vie quotidienne. La dépendance est également accompagnée d’une perte de contrôle et ceci malgré des répercussions négatives sur la santé, la vie professionnelle et personnelle.

Quelles sont ses répercussions sur le travail ?

L’addiction a des conséquences sociales majeures et notamment sur le travail comme la baisse de la motivation, le désengagement, un absentéisme à répétition et un risque de perte d’emploiUn rapport sur les conduites addictives de la population active (Chiffres clés issus de la cohorte CONSTANCES) réalisé par Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MIDELCA) indique que :

●     Les fumeurs ont un risque de perte d’emploi à un an au moins multiplié par 1,5 par rapport aux non-fumeurs, et cela, y compris pour ceux consommant moins de 10 cigarettes par jour.

●     Un usage dangereux de l’alcool est associé à un risque multiplié par 1,5 de perte d’emploi à un an, et pour les sujets dépendants, ce risque est multiplié par 2.

●     La consommation de cannabis, même occasionnelle (moins d’une fois par mois), est associée à un risque de perte d’emploi à un an presque multiplié par 2. Ce risque est presque multiplié par 3 lorsque la consommation est d’au moins une fois par mois.

Une augmentation des accidents de travail

Toujours selon le rapport de la MILDECA, le risque d’accidents du travail graves est multiplié par 2 dès lors qu’il existe une consommation chronique hebdomadaire excessive d’alcool. Le risque d’accidents du travail graves est augmenté de 50% pour ceux qui ont une alcoolisation ponctuelle importante au moins une fois par semaine.

L’addiction a également des répercussions graves sur la santé :

●     L’alcool et de tabac augmentent la survenue de cancers ;

●     La consommation de drogues entraîne des troubles neurologiques ;

●     L’utilisation de seringues usagées accroît le risque d’une contamination par le VIH ;

●     L’utilisation régulière de drogues est un facteur de troubles psychiques et cognitifs (troubles de l’attention, troubles de la mémoire, difficultés à résoudre des problèmes, perte de concentration) et ont un impact sur la vie professionnelle.

Quelles sont les addictions fréquentes en milieu professionnel ?

En novembre 2021, l’INRS a commandité une étude sur la prévention des pratiques addictives en entreprise auprès de l’Institut Cemka. Cette étude a été réalisée auprès de 1245 professionnels des services de santé au travail. Son objectif était d’évaluer les conduites addictives en milieu professionnel et d’identifier les solutions de prévention alors que le sujet est encore tabou en entreprise.

L’étude indique que les addictions qui sont les plus répandues dans la sphère professionnelle sont l’alcool (pour 91% des répondants), le tabac (66%), le cannabis (64%) et les médicaments psychotropes (43%).

Selon les médecins du travail, 8,6 % des salariés seraient en difficulté avec l’alcool mais ce chiffre ne connaît pas d’augmentation depuis plus de 10 ans. En revanche, en ce qui concerne le cannabis, le taux de personnes dépendantes est passé de 5% en 2009 à 7% en 2021. Les causes de ces addictions sont multiples et peuvent être issues de situations professionnelles ou personnelles.

Focus sur l’addiction numérique

Le développement du travail à distance a accentué l’utilisation personnelle et professionnelle des écrans. Un usage excessif des écrans a des impacts négatifs sur le bien-être et la santé mentale des salariés. Selon la MIDELCA, 78% des cadres consultent leurs communications professionnelles pendant les vacances et les week-ends. 8 français sur 10 sont conscients de ne pas maîtriser leurs usages d’écrans sans pour autant être en mesure de les changer (Baromètre Harris Interactive, MIDELCA 2021).

Cette hyperconnexion peut avoir des conséquences directes sur le travail comme la baisse d’efficacité, la perte de motivation, du goût du travail et des liens sociaux et aller jusqu’au burn out.

Les facteurs de risque liés au travail

Selon la MIDELCA, dans un rapport intitulé : Addictions en milieu professionnel, employeurs et employés tous concernés, les facteurs de risque liés au travail sont les suivants :

●     Les risques psychosociaux, la pénibilité des conditions de travail et le stress favorisent la consommation de substances psychoactives ;

●     La recherche de la performance et de la productivité, la compétition entre les collaborateurs peuvent encourager certains collaborateurs à consommer des substances pour être encore plus performants ou à tomber dans l’addiction au travail ;

●     Certaines cultures d’entreprises favorisent la consommation d’alcool à travers l’organisation de soirées mais aussi de rituels d’intégration ou de socialisation entre collègues.

La période COVID un accélérateur des addictions au travail ?

Une enquête menée par Ipsos pour MILDECA et en partenariat avec l’INRS fin 2020 montre que la crise sanitaire a accentué certaines addictions. En effet, l’isolement ainsi que les conditions de travail ont favorisé certaines pratiques addictives. Pendant le confinement, 30% des personnes interrogées ont augmenté leur consommation de tabac, 30% leur usage de cigarette électronique et 20% leur consommation de médicaments psychotropes. Les facteurs qui ont entraîné cette hausse de la consommation sont l’isolement au travail (31%), les évolutions des conditions d’emploi et de travail (29%) et la charge de travail (26%).

Addiction : qui est concerné ?

Selon la MIDELCA, les 18-35 ans sont la tranche d’âge la plus concernée par la consommation d’alcool et de cannabis. Tous les métiers sont concernés par les addictions mais certains secteurs sont plus à risque comme les métiers des arts et des spectacles, ceux de l’hébergement et de la restauration, l’agriculture, le transport et la construction. L’addiction touche les hommes et les femmes. Cependant, 11% des femmes cadres ont une consommation à risque d’alcool. En effet, la prise de responsabilité dans l’entreprise augmente le risque de consommation d’alcool chez les femmes contrairement aux hommes.

Les leviers pour agir en entreprise

Briser les tabous

L’addiction en entreprise est un sujet encore largement tabou. Elle est considérée comme une problématique relevant de la vie privée et le sujet est souvent passé sous silence. Peu d’entreprises osent s’exprimer sur cette thématique malgré des incitations de la part des autorités de santé. Par conséquent, rompre ce tabou au sein des entreprises est un prérequis indispensable avant d’agir. Ensuite, la prévention des conduites addictives demande la mobilisation de tous les acteurs du milieu professionnel. Les sensibiliser en amont sur ce sujet est donc indispensable pour les engager dans une démarche de prévention.

 

Comprendre pour mieux cibler

Dans un premier temps, l’entreprise doit faire un état des lieux pour procéder à une analyse fine de sa situation face aux addictions. Elle a besoin de comprendre quels sont les salariés concernés dans l’entreprise, quels sont les modes d’addiction en vigueur et les situations à risque. L’entreprise disposera ainsi d’une vue d’ensemble du processus d’addiction pour ensuite réaliser des campagnes de prévention sur-mesure en fonction des besoins détectés.

Pour cela, les entreprises peuvent s’appuyer sur les acteurs traditionnels de la santé au travail comme la médecine du travail et les représentants du personnel. Elle peut également faire appel à des experts en externe.

L’évolution de la médecine du travail sur les conduites addictives

Les médecins du travail prennent mieux en compte l’addiction aujourd’hui. L’INRS indique dans son étude de 2021 que 75 % d’entre eux interrogent les salariés sur leur consommation d’alcool et retranscrivent cette information dans leur dossier médical en santé au travail contre 46 % en 2009. Pour le cannabis, ce taux est de 51 % alors qu’il n’était que de 17 % en 2009.

Faites respecter le droit à la déconnexion

Le droit à la déconnexion est une obligation légale. Selon le Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion, les entreprises doivent mettre en place des outils pour réguler les usages numériques. Ces mesures visent à garantir le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale. Elles doivent être élaborées en concertation avec les représentants des partenaires sociaux. L’entreprise peut rappeler les horaires de connexion et de déconnexion en cohérence avec les horaires dits de bureau, former les managers pour appliquer ce droit au sein de leurs équipes.

L’entreprise n’est pas seule face aux risques d’addiction. Nos experts peuvent vous conseiller pour vous aider à faire un diagnostic et mettre en place un programme de prévention sur-mesure. Prenez rendez-vous pour en discuter avec nous.

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